Promesse unilatérale de vente insérée dans un contrat de location-gérance
Une promesse unilatérale de vente insérée dans un contrat de location-gérance doit être enregistrée
La promesse unilatérale de vente d’un fonds de commerce insérée dans le contrat par lequel le propriétaire le donne en location-gérance n’échappe à l’enregistrement qu’en cas d’interdépendance des obligations des deux parties.
Est nulle toute promesse unilatérale de vente d’un fonds de commerce si elle n’est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous signature privée enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire (C. civ. art. 1589-2).
Par acte enregistré, des époux donnent leur fonds de commerce en location-gérance à une société avec promesse de vente du fonds au prix d’environ 457 000 €.
Cette dernière lève l’option à ce prix, mais les époux invoquent un avenant portant le prix de vente à près de 610 000 €.
Se prévalant du défaut d'enregistrement de l’avenant modifiant le prix de vente, la société sollicite l'annulation de celui-ci et demande à être déclarée propriétaire du fonds au prix de 457 000 €.
La cour d'appel de Paris rejette la demande et considère que l'avenant était valable même en l'absence d'enregistrement car la promesse de vente comportait des obligations réciproques interdépendantes : le locataire-gérant ne pouvait bénéficier de la promesse de vente que s'il était à jour du paiement des redevances, loyers et charges.
La Cour de cassation juge au contraire que la promesse de vente modifiée par l'avenant était unilatérale et devait donc être enregistrée, et, à défaut, annulée : les redevances, loyers et charges étaient dus par la société en exécution des contrats de location-gérance et de bail qu’elle avait souscrits indépendamment de la conclusion de l’avenant, de sorte que ces contrats n’étaient pas unis par un lien de dépendance nécessaire aux engagements pris par le promettant et ne conféraient à celui-ci aucun avantage réciproque propre à modifier les caractéristiques de la promesse, laquelle ne constituait pas un élément d’une opération globale.
A noter :
Aux termes de l’article 1589-2 du Code civil (CGI art. 1840-A ancien), seules les promesses unilatérales de vente doivent être enregistrées.
La Cour de cassation considère que la promesse perd son caractère unilatéral non seulement lorsque le bénéficiaire de la promesse s’oblige lui aussi à acheter (promesse synallagmatique), mais également lorsque la promesse stipule, à la charge du bénéficiaire, d’autres obligations que celle d’acheter.
Ainsi, échappe à la formalité de l’enregistrement la promesse de vente insérée dans un ensemble contractuel comportant des obligations réciproques (Cass. 3e civ. 3-11-1981 : Bull. civ. III no 176 ; Cass. 3e civ. 5-7-1995 no 1505 : RJDA 1/96 n° 112), à condition cependant qu’il existe un lien de dépendance nécessaire entre ces diverses obligations (Cass. ass. plén. 24-2-2006 no 04-20.525 : RJDA 10/06 n° 1003 pour une promesse unilatérale intégrée dans une transaction).
Pour que les obligations réciproques fassent perdre à la promesse son caractère unilatéral, il faut qu’elles soient de nature à contraindre le bénéficiaire à lever l’option (Cass. 3e civ. 31-1-2001 no 184 : RJDA 5/01 n° 569 ; Cass. com. 15-1-2002 no 99-10.362 : RJDA 5/02 n° 487).
Par la décision commentée, rendue sur renvoi après cassation (Cass. com. 2-2-2016 n° 14-24.299 : RJDA 6/16 n° 428), la Cour de cassation fait application de cette jurisprudence dans un cas où la promesse de vente du fonds de commerce avait été consentie lors de la mise en location-gérance du fonds.
En effet, il arrive fréquemment que l'acquisition d'un fonds de commerce soit précédée d'une location-gérance.
Le contrat de location-gérance est alors assorti d'une promesse unilatérale de vente du fonds permettant ainsi au locataire-gérant de prendre sa décision d'acquisition en connaissance de cause et au loueur du fonds de percevoir, grâce à la redevance, un revenu qui est plus facilement accepté qu'une indemnité d'immobilisation.
En l'espèce, le bénéficiaire devait certes payer une redevance, mais cette obligation était la contrepartie de la mise en jouissance du bien et non celle de l’engagement pris par le promettant de vendre le bien.
On était donc bien en présence d’une promesse unilatérale.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 2703 et 11919
Cass. com. 16-10-2019 n° 18-14.678 F-D
Sources - Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne - 22/11/2019